glitter & gold --/ zina.

Trop de bruit. Si c’était juste la musique, ça irait, mais c’était aussi les conversations, les hurlements, les rires et maintenant, les gémissements dans la chambre d’à côté. Les murs pas bien épais de la résidence étudiante, et malgré les bouchons enfoncés dans ses oreilles, l’ouïe de Zina qui capte tout. Elle soupire, pour la centième fois en moins de deux minutes. Elle devrait être habituée, depuis deux ans. Devrait être habituée aux fêtes parfois organisées dans les couloirs - mais elle n’y était jamais parvenue. On lui avait conseillé les somnifères, que Zina refusait d’avaler, et on lui avait conseillé de se joindre aux autres, ce que Zina refusait aussi de faire. Bien peu intéressée à se frotter à la foule envirée, probablement droguée et un peu trop excitée. Elle aimait bien rencontrer des nouvelles personnes, mais pas tout à fait celles qui venaient faire la fête après minuit dans les couloirs d’une résidence universitaire. Elle se redresse dans son lit, Zina, frottant ses yeux lourds et brûlants de fatigue. Elle voudrait juste dormir. Sauf qu’il fallait croire que ses camarades en avaient décidé autrement. Comme toujours.

Avec un énième soupir, elle repousse ses draps et se redresse. Cheveux noués en une tresse, pyjama modeste sur le dos. Elle sait qu’on va se moquer d’elle, qu’on va la regarder de travers. Enfile un peignor, et glisse ses pieds dans les sandales qu’elle avait l’habitude de mettre pour se rendre à la salle de bain. Avec un peu de chance, elle n’aurait à parler à personne, et tout le monde serait trop ivre pour faire attention à elle. Après, elle s’enfermerait à nouveau et réessayerait de dormir. Et si elle n’était pas capable dans une heure, elle se mettrait à étudier. Autant mettre son temps à profit, après tout. Porte verrouillée, Zina jette un regard pointu à un couple qui s’embrasse juste à côté. Prend le chemin de la salle de bain, qui heureusement n’est pas trop loin. Ignorant les regards sur son passage - et voit avec désespoir que la salle de bain convoitée est bloquée par quelques filles en pleine conversation. Verres à la main et les regards dirigés vers les garçons - gloussements et sourires lubriques au rendez-vous. Pathétique, se dit Zina en secouant la tête. Ne freine pas, et se fraye un chemin entre elle pour passer la porte. « Excuse me. Sorry. » Ça rigole autour d’elle, elle sent les regards sur sa nuque. Who the hell is that ? qu’elle entend.

Le long soupir qui passe ses lèvres, alors qu’elle croise son reflet. Yeux fatigués, mine basse. La seule envie de retourner se coucher, et de trouver un semblant de tranquilité. Loin du jugement, qui n’est jamais aussi fort qu’en ces moments. C’était ton choix, de prendre une chambre sur le campus. Mais Zina avait eu besoin de sortir de la maison de ses parents - besoin de respirer un peu. À quel prix, voilà ce qu’elle se demandait maintenant. Repassée dans le couloir, elle ignore à nouveau les filles en coup de vent, se dirigeant vers sa chambre. Mais elle est coupée dans son mouvement par un visage connu, dont l’apparition la cloue sur place de surprise. Ches ?

« Hey, miss, I’m sorry. You’ll have to grab a glass of booze if you want to go further. Access is for partygoers only. » Elle est trop surprise pour répondre, toisant son ami d’un air incertain. La blague qui lui échappe un peu, il faut le dire. « But I suppose I could just lend you mine, y’know. » Le rire familier qui lui fait presque oublier le reste de l’environnement - et qu’elle se tient en pyjama au beau milieu d’une fête étudiante. « No, thank you. » Elle sourit doucement, cependant - avec une sincérité non feinte. Le visage bienvenue, malgré le brouhaha. « God, it’s so good to see you ! I guess you’d live in one of those buildings, but I never thought it would actually be this one. » Elle hausse les épaules, sourire gêné sur les lèvres. « Yeah, I wouldn't have thought either. Still can't. Especially not right now. » D’être là, de faire tout ça. Zina qui avait toujours choisi la tranquilité, voilà qu’elle s’était jetée dans la gueule du loup. Acquiesce de la tête, avec un sourire. « It’s good to see you. » Et c’est vrai, après tout - quelques temps déjà, qu’ils avaient plus ou moins perdu contact. La vie qui s’était tracée, les chemins qui avaient été empruntés. Pourtant l’enfance n’était pas loin, dans la tête de Zina. Le souvenir de Ches, encore moins.

« How are you ? » Elle hausse les épaules, prenant le temps d’observer son ami. Les yeux un peu vitreux - ce n’est sans doute pas son premier verre de la soirée. « Right now, tired. » Mais ce n’est pas trop brusque, juste un peu agacé. « But I’m pretty good. I like it here. The university, I mean. » Acquiesce doucement - la conversation un peu compliquée, avec la musique dans les oreilles et le couloir bondé. Elle aimerait pouvoir l’inviter dans sa chambre, reprendre contact. Profiter de ces retrouvailles - il lui a manqué, elle réalise. Mais Ches a sûrement autre chose à faire que lui parler - elle ne pense pas s’éterniser. Alors elle se penche, essaie de parler un peu plus fort alors que des cris surviennent pas loin. « What about you ? » Et alors, un type qui passe qui lui accroche l'épaule - la fait vaciller un peu, sans qu'il ne prenne la peine de s'excuser. Le prix à payer.

Toujours la musique, trop forte dans les oreilles. Qui l’empêche de penser, qui l’empêche de parler. Elle aimerait pouvoir le faire sans avoir à crier. Surtout avec Ches, qu’elle n’a pas vu depuis une éternité. Elle aurait aimé que leurs retrouvailles se fassent autrement, dans d’autres circonstances - mais il semblerait que c’était quelque chose de plutôt normal, pour les gens de leur âge. Les fêtes, la musique pour écorcher les tympans, les effluves de substances pas très légales. Zina n’est pas à sa place, là, et elle sait qu’elle doit détonner du décor. Alors que toutes les filles sont arrangées, cheveux coiffés, yeux maquillés, elle se tient au milieu du couloir en peignoir. Les yeux ensommeillés, il ne manquerait plus que les chaussons aux pieds. Une part d’elle a envie de fuir les regards pour se réfugier dans sa chambre, et ne plus avoir à voir personne - mais elle est trop contente de retrouver Ches. Son enthousiasme sincère, malgré les années passées, et les chemins différents empruntés.

Et elle se fait bousculer, Zina. Comportement qui ne plaît pas à son ami d’enfance, qui se redresse d’un bond. « Hey careful where you going, dude ! » Mais il y a trop de bruit et le type ne l’entend pas. Zina a un petit sourire qui se glisse sur ses lèvres - son agacement balayé par l’attitude de Ches. « Guys here are like baboons. » Cette fois, elle ne peut réprimer un petit rire, bien que les mots ne lui parviennent qu’à moitié - elle a bien compris le principe. Arquant un sourcil. « Tell me about it. » Et il s’approche un peu, pour faciliter la conversation. Zina tend l’oreille, sourcils froncés. Acquiesce aux nouvelles qu’il lui fournit. I’m good too. Just working, y’know. « I’m studying at UCD too. Chemistry program. But… Mostly working. » Elle hoche la tête, relevant les yeux vers lui. La petite lueur dans le regard, qui semblerait peut-être être un peu fierté. Mais y’a aussi l’amertume de ne pas pouvoir parler - vraiment parler. Heureusement, Ches prend les devants avec un sourire. « D’you know someplace where we could talk without screaming ? Except if you want to go to bed, of course. » Elle lui jette un regard entendu, malgré le petit sourire. Après tout, il la connaît - et c’est vrai qu’il y a une partie d’elle qui a bien envie de juste lui dire qu’ils remettraient ça, et d’aller trouver le sommeil d’une manière ou d’une autre. Mais elle sait que ça sera compliqué - autant profiter de ces retrouvailles impromptues. Elle lui fait signe de tête, alors, en direction de la porte de sa chambre. « Follow me. » Qu’elle lui lance, assez fort pour qu’il entende.

Ignorant le regard pointu et les murmures des filles toujours rassemblées au même endroit, Zina se dirige vers sa porte. Demande à quelqu’un de l’excuser, pour pouvoir déverouiller la poignée sur laquelle il s’était affaisé. Rapidement, la porte est ouverte, et elle fait signe à Ches de rentrer. Vite, avant que quelqu’un d’autre n’ait l’idée de s’inviter. Heureusement, la porte est rapidement refermée, et les bruits de la foule et de la musique atténués - juste assez pour s’entendre penser, au moins. « Phew. That’s just brutal for the ears. » Qu’elle lâche avec un petit sourire, laissant tomber ses clés sur sa table de chevet. Se tourne vers Ches, avec un regard. « Make yourself comfortable. » Elle se laisse tomber sur son lit, s’assoyant sur le matelas, et prenant appui contre le mur. Jambes ramenées contre elle. Le petit silence qui suit, qu’elle s’empresse de remplir. « There. That’s a little better, don’t you think ? » La voix un peu plus calme, rassurée par l’intimité de la chambre. « Although I know what some girls are gonna be saying... » Le léger rouge qui lui monte aux joues. Mais elle ne s’en souciait pas, Zina. Pas vraiment. Savait qu’il n’avait pas d’ambiguité entre elle et Ches, pas depuis longtemps. Elle lui sourit juste, prenant l’occasion pour mieux l’observer. Les sourcils qui se froncent légèrement, alors qu’elle remarque une petite cicatrice, sur sa lèvre inférieure. « What happened ? » Qu’elle demande, pointant l’endroit en question.